La conservation du disque vinyle

Conditions physiques de conservation

Le disque vinyle (qui a remplacé progressivement le disque de laque à partir des années 1950 ) a fait ses preuves comme étant l’un des matériaux les plus stables utilisés dans la fabrication des supports d’enregistrements sonores. Mais sa durée de vie n’e st toutefois pas infinie.

Le chlorure de polyvinyle se dégrade chimiquement lors qu’il est exposé aux rayons ultraviolets ou à la chaleur.

On n’effectuera jamais de lecture de documents anciens sur des appareils d’origine (un seul passage de l’aiguille dégrade définitivement le sillon). On utilisera exclusivement des platines modernes (type à microsillons) équipées d’un ensemble bras/cellule léger bien réglé. La vitesse de rotation, les caractéristiques des cellules, l’équilibre fréquentiel du signal de sortie (préamplificateur) font l’objet de réglages systématiques pour chaque plage.

A fin de conserver l’information sonore pendant une durée supérieure à celle de l’existence d’un disque ou d’un cylindre, celle-ci doit être copiée sur un support offrant les meilleures garanties de durée tant du point de vue de ses qualités matérielles (physico - chimiques) que celles de son format.

Précédées d’avis de spécialistes, les prestations exigent des soins méticuleux, un maté riel de haute qualité. Les copies sur bandes (analogiques 1/4 de pouce) ou sur disques optiques enregistrables (CD-R) constituent une mesure de sauve garde possible de tels documents.

Les transferts sur dispositifs de stockage numérique de grande capacité et reliés par réseau peuvent offrir des solutions dignes d’intérêt en termes de communication et de sauvegarde de l’information.

Salissures et nettoyage

Les particules résultent de dépôts de matières extérieures telles que débris d’origine minérale ou végétale, fumées industrielles, matières grasses provenant des empreintes digitales ,matières adhésives, etc.

D’autre part, les produits résultant de l’altération des matériaux originaux

consécutive à des réactions chimiques peuvent conduire à la formation de particules.

La plupart des salissures sont hygroscopiques, ce qui peut favoriser la croissance de moisissures et favoriser les réactions chimiques .

L’élimination de la poussière est réalisée dans de nombreux cas à l’aide d’un chiffon doux et non pelucheux, éventuellement une brosse spéciale très souple, en prenant soin de l’appliquer dans le sens des sillons. Mais le frottement d’un tissu sur un matériau isolant génère des charges électrostatiques qui attirent les poussières. Aussi le nettoyage peut-il être effectué avec une brosse à fibres de carbone ou à l’aide d’un fi l et d’eau distillée qui élimine les charges électriques. L’eau courante est déconseillée du fait de la présence de calcaire et de sels minéraux formant un dépôt au séchage. Pour dissoudre les matières grasses (traces de doigts notamment), il faut recourir à des agents mouillants. Il ne faut pas utiliser des produits qui se montre raient agressifs ,

même à long terme. Des produits commercialisés s’appliquent de manière spécifique aux disques

Manipulation et conditionnement

Pour éviter de toucher la surface enregistrée avec les doigts, le disque doit être maintenu en utilisant l’étiquette et le bord comme point d’appui pour sortir le disque de la pochette. Il sera maintenu ensuite par la tranche. En général, le port de gants n’est pas recommandé, les disques risquant de glisser. Pendant les déplacements. Les disques ne doivent pas être exposés inutilement à l’air ambiant. Ils seront replacés dans leur pochette après usage. Les pochettes et albums en mauvais état devront être éliminés ou traités. Le remplacement par des pochettes individuelles conçues pour ne pas rayer le disque et faisant appel à des matériaux stables (polyéthylène, papier non acide) est vivement recommandé.

Condition et stockage

Après conditionnement dans leur pochette d’origine ou de remplacement, les disques doivent être stockés en position verticale. Deux dispositions peuvent être retenues : disques placés dans des boîtes en carton neutre (solution préférable), ou rangés directement sur des étagères compartimentées, toujours en position verticale, par taille homogène, maintenus par une légère pression .

Les étagères (bois ou métal) doivent être conçues pour supporter le poids élevé des disques et tenir compte de la répartition des efforts. Par ailleurs, la capacité de résistance des sols du Pour retarder les mécanismes de dégradation, une climatisation est souhaitable afin de maintenir, les conditions thermohygrométriques voisines de 18° C ± 2° C et 40 % HR ± 5 % avec filtration des poussières. Les sources de chaleur seront systématiquement éloignées des documents.

Les magasins de stockage doivent répondre à un certain nombre de critères afin d’éviter l’introduction de poussières : rideaux, moquettes, tissus (qui génèrent et fixent la poussière dans les aires de stockage) seront évités. Les luminaires ne devront pas produire de rayons ultraviolets, la lumière du jour reste ra masquée. Le contrôle de la lumière ambiante s’effectuera dans des conditions

analogues à celles des documents en papier et carton .

http://www.culture.gouv.fr/culture/conservation/fr/preventi/documents/c10.pdf


La conservation discographique : état des lieux en France

La disparition brutale de ce support dans l’édition, au profit du CD, a entraîné un mouvement de désaffection d’autant plus rapide que la gestion matérielle de ce support se révélait très contraignante.

On se déclarait alors secrètement ravi d’abandonner les tâches peu valorisantes, mais indispensables à la préservation de toute collection : la corvée du « torchonnage » (le nettoyage à l’eau distillée après chaque emprunt), la vérification des pointes de lecture aléatoire et sujette à d’interminables contestations avec les usagers, l’établissement, pour chaque galette, de « fiches de santé » allaient désormais appartenir à l’histoire… et signer l’arrêt de mort de collections entières, bradées, vendues au poids ou même purement et simplement jetées – au mieux reléguées, quand la place le permettait, dans un recoin obscur de la bibliothèque…

Sans doute la création, en 1986, à partir de la collection préservée de la Discothèque de France, cédée par convention à la Discothèque des Halles, des Archives sonores a-t-elle permis de sauver nombre de documents d’une disparition programmée.

Depuis, grâce à une patiente politique de récupération et de tri au sein des collections désaffectées des bibliothèques parisiennes, d’échange avec des bibliothèques territoriales (Nice), de collecte de dons ou d’achat de collections, ce sont aujourd’hui près de 100 000 microsillons qui sont conservés à la Médiathèque musicale de Paris.

Mais même si le rôle de cet établissement dans la conservation des documents sonores édités (disques 78 tours, microsillons et CD) est aujourd’hui bien établi, concrétisé par la signature d’une convention de Pôle associé – une des toutes premières – avec la Bibliothèque nationale de France, bien rares sont les bibliothèques qui ont intégré cette préoccupation.

Certes, la BnF, qui conserve au Département de l’audiovisuel, à côté des fonds anciens, les collections issues du dépôt légal des phonogrammes (350 000 microsillons et 150 000 CD), et la discothèque centrale de Radio France (550 000 microsillons, 200 000 78 tours et documents plus anciens) jouent-elles un rôle primordial. Toutefois, l’existence de ce patrimoine exceptionnel ne peut pour autant servir d’alibi aux autres bibliothèques pour se dédouaner de toute responsabilité dans ce domaine.

Et on ne peut non plus compter sur de très rares collections privées accessibles, qui, à l’instar de la fondation Panigel à Saint-Rémy-de-Provence, peinent à s’ouvrir réellement au public : malgré la volonté de son repreneur, Pierre Bergé, le désintérêt des pouvoirs publics pour cet ensemble sans équivalent semble perdurer…

Rares sont, en bibliothèque, les collections clairement identifiées, comme la collection Panassié à Villefranche-de-Rouergue, la collection issue de Radio France Lyon à la Bibliothèque de la Part-Dieu. La Jazzothèque de Nice, seule à avoir donné naissance à un fonds constitué faisant l’objet d’une véritable politique de conservation, fait de cet établissement un exemple unique, qui dispose maintenant d’une réserve à degré hygrométrique constant assurant la conservation optimale d’un riche fonds de 80 000 microsillons.

Perspectives

Un projet, encore à venir, d’inventaire des fonds de microsillons en Île-de-France pourrait voir le jour prochainement, à la faveur d’un rapprochement des bibliothèques de la couronne et du réseau parisien.

Plus avancé, le début d’un inventaire national des 78 tours, initié par la BnF à la faveur de la signature de conventions de pôles associés (Médiathèque musicale de Paris, Radio France…) ,dont on peut espérer qu’il soit suivi d’une action similaire pour les microsillons, pourrait jouer un rôle déclencheur, à condition que les bibliothèques intéressées se montrent suffisamment nombreuses et soient en mesure de dégager les moyens nécessaires.

Le challenge est bien de convaincre des professionnels peu sensibilisés encore au problème, et peut-être aussi rebutés par les contraintes induites : difficultés de valorisation (comment communiquer, numériser ? problèmes de droits, etc.), spécificités de traitement comme de conservation…

C’est à condition de pouvoir s’affranchir de la vision qui condamne le document sonore au désintérêt ou à la nostalgie que l’on parviendra à préserver un capital dispersé, et sans doute en danger, qu’il s’agisse du microsillon ou, peut-être plus encore, du CD, qui ne semble pas pouvoir accéder avant longtemps au statut d’objet patrimonial.

La BnF, avec la mise en place d’une politique de pôle associé, tournée encore pour l’instant vers les supports les plus anciens (les plus patrimoniaux), la Médiathèque musicale de Paris et quelques autres, voudraient montrer le chemin aux bibliothèques publiques, encore trop peu intéressées à la conservation de documents qui y ont pénétré difficilement et gardent de toute façon le handicap d’être considérés comme des documents de deuxième rayon, destinés au prêt et participant d’une fonction de loisirs plutôt que d’étude.

Ce désintérêt – historique – n’est d’ailleurs que le pendant du peu de valeur (y compris financière) d’un type de document dont le sort est peut-être de n’être qu’un support éphémère, toujours dépassé techniquement, sans que puisse s’y appliquer vraiment, quoiqu’en disent les amoureux du vinyle, des critères de beauté, d’esthétique qui s’attacheraient à l’objet lui-même, indépendamment de son contenu.

Mais, si le disque n’a pas encore conquis vraiment son statut d’objet patrimonial, le devoir de mémoire implique de se mobiliser pour assurer sa sauvegarde, dont le principe même n’est pas encore tout à fait acquis, avant que la dématérialisation des supports ne rende encore la tâche beaucoup plus difficile.

http://bbf.enssib.fr/sdx/BBF/frontoffice/2004/05/document.xsp?id=bbf-2004-05-0074-012/2004/05/fam-dossier/dossier&statutMaitre=non&statutFils=non

Pierret, Gilles, « Les bibliothèques et le disque : La difficile accessibilité du document sonore au statut d’objet patrimonial », BBF, 2004, n° 5, p. 74-78

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