Tendances actuelles de diffusion

Une diffusion toujours liée aux DJ’s

Les DJ hip-hop ont aussi adopté massivement le Serato, logiciel qui permet de mixer et scratcher des fichiers numériques via des platines disques. « Si le DJ passe des fichiers de qualité, en Wav ou en .Aiff [formats audio non compressés, ndlr], on n’y voit que du feu », estime Pascal Rioux, responsable des labels soul et hip-hop Favorite Recordings et Big Single. En l’espace d’un an, il a vu ses ventes de vinyles chuter dramatiquement. Ils sont rares ceux qui, comme Dee Nasty, sont restés fidèles au vinyle. Le parrain du hip-hop en France en possède près de 25 000, raconte Yasmina Benbekai, auteur d’un guide du DJ (2).

Le sombre destin du microsillon n’est cependant pas inéluctable. Eric Labbé a ouvert l’an dernier My Electro Kitchen, adossé au Troisième Lieu, un bar resto du IIIe arrondissement de Paris. « Lancer un magasin qui vend presque exclusivement des vinyles est une idée un peu folle, consent-il, mais un an plus tard, on est quasi à l’équilibre. »

Inespéré dans le contexte, souligne Rémi Bonin, de Technopol, organisateur de l’événement annuel Don’t kill the vinyl ! : « En cinq ans, le nombre de disquaires electro a chuté de plus de moitié à Paris, il n’en reste que onze. Une tendance qu’on retrouve au plan national où plus de la moitié des disquaires qui faisaient du vinyle ont fermé leurs portes. »

Eric Labbé, allergique au son compressé du MP3, veut croire que les DJ reviendront à la bonne vieille galette  : « Le son Serato n’a rien à voir avec une aiguille qui se trimballe sur un vinyle. La dynamique de l’analogique est incomparable. » Sans parler de la qualité des mixes. « Le DJ se retrouve avec une quantité de fichiers équivalent à un bac de 40 000 disques, c’est le meilleur moyen de s’y perdre. Le vinyle oblige à travailler les mixes, à sélectionner les disques qu’il va falloir se traîner. »

De nouveaux publics

Des genres musicaux qui avaient déserté le support y reviennent doucement. « On produit de plus en plus d’albums rock », relève Fredi. Le vinyle, jusque-là réservé aux DJ professionnels à l’affût de maxis pour enflammer le dancefloor, redevient un objet convoité par le fan audiophile. « Je fais moins de disques pour les DJ et davantage d’albums pour l’écoute à domicile. Je regrave du rock, du folk comme le groupe La Maison Tellier. La variété est plus grande, mais ça reste une économie de projets de petite envergure  : entre 500 et 2 000 exemplaires », confirme Hervé de Keroullas, de DK Mastering, petite structure qu’il a créée à Paris, autour du vinyle de musique électronique.

Si le frémissement est juste perceptible en France, aux Etats-Unis et en Angleterre, les ventes repartent légèrement à la hausse. Même si le vinyle ne représente plus que 0,2 % des ventes d’albums outre-Atlantique, la progression en 2007 est de 15 % (990 000 albums vendus, à nuancer toutefois par la baisse de 43 % entre 2000 et 2006). En Angleterre, deux tiers des singles sortent sur 45 tours. En cinq ans, ce marché a été multiplié par cinq, porté par la vague rock (Arctic Monkeys, Franz Ferdinand…). La chaîne HMV a dû étoffer son offre face à la demande et le site Amazon a créé, en octobre, une section vinyle.

« Avec l’explosion du rock indé, l’esprit collector est revenu », estime Philippe Laugier. La sortie sur CD se double de plus en plus fréquemment d’une édition vinyle de luxe. « Volta de Björk est sorti sur un double vinyle, tout comme Third de Portishead. Ce n’était plus le cas dans les années 90. Mais ce sont souvent des tirages limités destinés aux fans. »

Même son de cloche du côté du disquaire pointu Bimbo Tower. « Le retour du rock a peut-être relancé le côté fétichiste », admet Frank de Quengo, tenancier de la boutique et incorrigible collectionneur : « Je rachète les vinyles que j’avais ado et que j’avais vendus à l’époque. »

Même attitude chez Artkillart, label voué à l’expérimental sonore aux éditions très limitées : « C’est une réaction à l’industrie culturelle massive des dernières décennies, aux produits désincarnés. On s’attache à la qualité et à la complexité d’un objet. Même si on ne publie que du vinyle, rien ne dit qu’on ne va pas s’aventurer vers le DVD, le MP3 ou la clé USB. » « Les gens ne se contenteront pas de fichiers numériques qu’ils risquent de perdre dans un crash de disque dur, ils auront toujours envie d’un objet à collectionner, estime Pascal Rioux. Et le vinyle, c’est joli, contrairement au CD. » La banalité du support de stockage participe à ce désamour. « On ne peut graver un vinyle soi-même, ce n’est pas comme un CD facile à copier et dont le contenu est identique à celui d’un fichier téléchargé en ligne », juge Vinyliser, artiste sonore allemand qui grave en direct des sessions improvisées en un exemplaire unique.

Le frein demeure le faible équipement du public en platines disques. Mais ça frémit également du côté des constructeurs. « Au Japon, raconte Pascal Rioux, certaines nouvelles minichaînes n’ont plus de lecteur CD, mais une clé USB pour raccorder son Ipod et une platine vinyle. » Les platines professionnelles avec une sortie USB (qui permet de copier facilement le vinyle) existent aussi depuis quelques années et Sony vient de lancer son modèle. « Le vinyle pourrait redevenir un format intéressant y compris pour le grand public », espère Eric Labbé.

Autre ironie du sort, une compagnie phonographique japonaise propose aujourd'hui des Compact discs qui reproduisent l'aspect de nos anciens et chers disques vinyle...



http://www.ecrans.fr/Le-vinyle-rempile,4158.html